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Soir de Bamako : Quel regard portez-vous sur les 3 ans d’ATT au pouvoir ?

Mme Ballo Oumou Modibo Diabaté : J’ai toujours un regard d’espoir. Dans toute oeuvre humaine, il y a des hauts et des bas. La vie d’un pays ne se limite pas à la vie d’un président de la République. Nous pensons que chacun de nous est responsable de ses actes. Même si j’ai un regard d’espoir, il faut reconnaître qu’il y a des insuffisances qu’il faut améliorer.

Soir de Bamako : Lesquelles ?

Mme Ballo Oumou M. Diabaté : Ces insuffisances se situent à mon avis à trois grandes échelles. La première est l’administration publique. Il est aujourd’hui urgent et impérieux que l’on assainisse ce secteur. Chacun de nous doit faire un effort dans ce sens.

En sa qualité de leader, ATT doit faire des efforts pour améliorer ce secteur public qui tarde à épouser le rythme du changement. Il ne faut pas qu’il oublie que c’est l’administration qui gère le politique, qui regarde, qui applique la rigueur dans la gestion de notre politique.

Même si les politiciens n’appliquent pas les textes comme il l’aurait souhaité, je pense pour ma part que l’administration a le devoir de les ramener tous à l’ordre en veillant à l’application des textes régissant les partis politiques.

Les administrés aussi doivent être en harmonie avec les textes de l’Etat, en faisant preuve d’un civisme sans faille.

Par rapport aux politiques, je pense que le Mali n’a pas atteint encore son seuil de développement pour qu’un chef d’Etat puisse rester un pur en maintenant l’harmonie entre les grandes institutions et en disant qu’il n’a pas de coloration politique.

J’estime que nous n’avons pas atteint un tel seuil. Aujourd’hui, j’estime que pour notre développement, il faut nécessairement une contestation. Elle sera mieux appréciée dans l’appareil politique qu’une allégeance aveugle.

On ne sent pas l’engouement de la vie politique du pays même chez le Chef de l’Etat. Il faut qu’ATT ait le courage de se positionner et d’encourager les hommes politiques et les chefs de partis politiques à aller vers ça.

Il faut que le chef de l’Etat sache qu’on ne peut pas être aimé de tous. Quand on n’a pas d’ennemi et d’opposant, on n’évolue pas. C’est cette contribution que je voulais apporter à mon aîné.

La société civile a aussi un grand rôle à jouer. Malheureusement, on ne perçoit pas une belle image de celle-ci. Une démarcation entre les différentes échelles s’impose. En effet, ce sont les mêmes têtes qui animent la vie politique et la société civile.

J’ai bon espoir même si on traverse des moments très difficiles consécutifs à la chute des cours mondiaux du coton et de l’or, à la hausse du prix des hydrocarbures, à l’invasion acridienne et à la mauvaise pluviométrie.

Les difficultés ressenties partout ne peuvent être allégées que par le comportement du Chef de l’Etat. Il doit être ce Grand qui donne confiance à son peuple pour l’accompagner.

Je reconnais que des actes ont été posés au cours de ces trois ans, mais j’avoue aussi que beaucoup reste à faire.

Soir de Bamako : Comment évaluez-vous la situation économique et sanitaire pendant les trois ans d’exercice du pouvoir ?

Mme Balla Oumou M. Diabaté : On a l’impression que le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté n’existe que de nom. La pauvreté se généralise. Est-ce à dire que les stratégies de lutte contre la pauvreté ne sont pas conformes au contexte que nous vivons ?

Le constat est réel que la pauvreté se ressent à tous les niveaux. L’Etat doit améliorer sa politique de développement du secteur privé qui pourra au moins soulager les gens. Beaucoup reste à faire dans le cadre de la lutte contre la maladie.

La lutte devait se faire au niveau communautaire. Elle devait être plus comportementale. J’estime que l’accent doit être mis sur le volet communication. Dans nos pays, la santé a tendance à être beaucoup plus curative que préventive.

Tout ce qu’on dit par rapport à la prise en charge n’est que théorique. La pratique en est tout autre. Il y a lieu de revoir cet aspect de la chose en améliorant la qualité des prestations.

La volonté politique et les ressources ne manquent pas. Les efforts fournis par l’Etat sont réels. Seulement, la réalité sur le terrain montre qu’il y existe un grand fossé entre les ressources qui sont mises à la disposition et les actions qui sont réalisées.

Il faut développer cette communication pour amener la communauté à une participation active par rapport à l’amélioration de leur propre santé.

Il faut aujourd’hui l’implication réelle des communautés. Il faut donc accompagner les canaux privés de communication pour prétendre obtenir un résultat.

Soir de Bamako : Vos attentes ont-elles été comblées?

Mme Ballo Oumou M. Diabaté : Il y a tellement de problèmes qu’on ne s’attend pas à voir nos attentes comblées, mais on espère aller vers un décollage. Je souhaiterai qu’on puisse sentir un plan de carrière pour les administrés. C’est un minimum que l’administration peut accorder à ses administrés.

Propos recueillis par Tiémoko TRAORÉ

27 mai 2005