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Pour une deuxième fois en moins de deux mois, la Libye a procèdé à une vaste opération de refoulement des ressortissants maliens. Un premier et un deuxième groupe, de 140 refoulés chacun, sont arrivés respectivement à minuit et à 14 heures, le 13 novembre 2008, en provenance de Tripoli. 155 autres refoulés étaient attendus pour la soirée.

‘est aux environs d’une heure du matin, dans la nuit du 12 au 13 novembre, qu’un premier vol charter de la compagnie Memphis, affrété par la Libye, avec à son bord 140 Maliens refoulés de ce pays, a atterri à l’aéroport de Sénou. Il fut suivi, quelques heures plus tard, par un deuxième vol de la même compagnie avec à son bord un autre groupe de 140 refoulés. Enfin, dans la soirée, il était attendu un dernier groupe de 155 Maliens, ce qui fait un total de 435 refoulés.

Les refoulés étaient, pour la plupart, des jeunes gens qui ont quitté le Mali pour tenter de faire fortune au pays du Frère Guide Kadhafi. Ils sont malheureusement rentrés au bercail dans un dénuement total, après avoir passé plusieurs mois dans des centres de détention libyens.

Mamadou Diawara, 21 ans, originaire de Ségou est un électricien de profession. Il avait économisé la somme de 300 000 FCFA et avait décidé de tenter l’aventure. Mais Mamadou avait eu la malchance de tomber sur des policiers à son arrivée en Libye. A l’attention ,non seulement les policiers avaient pris tout ce qui restait dans ses poches, mais aussi, il avait passé onze mois dans quatre différentes prisons libyennes. A Sabra et à Misurata, Mamadou affirme qu’il avait été sérieusement bastonné presque chaque jour. Pire, il était sous alimenté tout comme ses co-détenus maliens.

La colère de Siaka Kanté, originaire de Sikasso, est tournée contre les diplomates maliens qui, pour lui, ne font rien pour s’informer des conditions de détention des ressortissants maliens dans les prisons libyennes. Lui aussi décrie les mauvais traitements dont il avait été victime pendant sa détention à Sabra. Siaka affirme qu’un certain Ibrahim et son trésorier Mbaye tous deux représentants et en même temps collaborateurs de l’ambassade du Mali ont été arrêtés et détenus pendant trois jours à la prison de Sabra.

Mohamed Koné, 21 ans, originaire de Sikasso, est un charretier de profession. Il avait travaillé durement jusqu’à économiser la somme de 150 000FCFA. Il déclare: « j’ai décidé d’aller en Espagne mais, à cause des difficultés d’y accéder, j’ai opté pour la Libye. Je me suis attelé à faire des petits travaux et j’ai pu épargner 1 300 dollars. Au moment de mon arrestation, les policiers m’ont extorqué cet argent et me voici de retour  »nu pied’‘ au Mali après avoir passé six mois en prison ».

Le récit le plus pathétique est celui de Malongo Dembélé, 23 ans, originaire de Kayes. Il est rentré en Libye avec un visa à l’appui et a commencé à travailler comme maçon.


Il raconte:
« c’est à minuit, au cours d’une rafle dans notre foyer, que les policiers m’ont arrêté. J’ai essayé de leur expliquer que j’étais en règle mais ils m’ont menacé de détruire mon passeport. Ils ont enlevé la somme de 3 000 dollars que j’avais sur moi et m’ont jeté en prison ». Mohamed Koné, également, se plaint des mauvaises conditions de détention pendant les trois mois et vingt jours qu’il a passés à la prison de Sabra.

Parlant des mauvais traitements, tous les refoulés sont unanimes que les Maliens sont les plus maltraités. Les policiers s’attaquent surtout aux foyers maliens. Ils s’appuient, selon leurs dires, sur les accords signés avec le Mali.

C’est surtout l’indifférence totale des diplomates maliens, quant aux mauvais traitements donnés uniquement aux ressortissants maliens, qui étonne les refoulés.

Bala Kéita, un peintre de 31 ans, avait été arrêté en même temps que huit ressortissants guinéens. Il déclare qu’  » à Sabra, on était plus de 80 Maliens détenus mais l’ambassade du Mali ne s’était pas intéressée à notre problème malgré nos nombreuses sollicitations. Par contre, un responsable de l’ambassade de la Guinée s’était déplacé de Tripoli à Sabra, distantes de plus de 1000 km, pour s’occuper de ses huit compatriotes. Arrivé à la prison, il avait demandé si les Guinéens détenus avaient volé ou commis un quelconque délit. Les autorités avaient répondu par la négative. Il demanda donc qu’ils soient libérés.

Dans notre cas, nous Maliens, nous sommes laissés à nous-mêmes. L’ambassade n’intervient que pour nous délivrer les laissez-passer de retour ».


Pierre Fo’o MEDJO

14 Novembre 2008