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La libération de l’expression plurielle, la quête des libertés d’association, d’opinion, d’entreprendre, bref des libertés individuelles et collectives, constituaient l’objet de sacrifice suprême pour de nombreux Maliens, jusqu’en 1991, pour étancher leur soif de démocratie. Cette lutte parsemée d’embûches, et de longue haleine, parce que comportant une résistance farouche à la pensée unique, a abouti le 26 mars 1991. Un militaire du nom d’Amadou Toumani Touré, ATT pour prononcer d’un trait, a achevé d’un coup le long parcours de ceux qu’on a convenu d’appeler les démocrates maliens.

En réalité, toutes ces libertés doivent converger à l’unisson pour sous-tendre une meilleure condition de vie des Maliens dont l’écrasante majorité était réduite à la survie et à vivoter. La fonction publique aussi bien que le secteur privé ne représentaient que de lots de calvaire, du fait d’une administration partisane du parti unique et dictatorial, du manque de plan de carrière d’une absence d’égalité économique, de liberté dans l’entreprise.


Une telle situation politique et économique se répercute forcement sur la vie sociale et sur les infrastructures :
un pays à l’environnement triste, des hommes qui ne mangent pas à leur faim, qui ne se traitent pas convenablement, qui sont réduits à la dépendance au pouvoir, aux tenants du parti unique, à leurs familles et beaux parents. Certains ont refusé l’ordre imposé.

Ils étaient journalistes, enseignants, économistes, médecins, religieux, magistrats, avocats, fonctionnaires, chômeurs à descendre dans la rue. Ils étaient surtout des jeunes, élèves, étudiants, des femmes à descendre dans la rue et à mourir pour le Mali. Pour que demain soit, pour un lendemain meilleur. Aujourd’hui, le Mali se porte-t-il
mieux ?

La tradition est respectée de marcher chaque 22 mars (anniversaire du vendredi noir) de l’hôpital Gabriel Touré au carré des martyrs au cimetière de Niarela où reposent ceux qui ont offert la poitrine au plomb … Le 26 mars est chômé et payé comme l’a été le 19 novembre. Une semaine est consacrée au devoir de mémoire avec dépôt de gerbes, conférence-débats et larmes de crocodile à l’appui. Au Mali la révolution n’a pas bouffé ses fils et la lutte continue.

De gros efforts sont faits au niveau des infrastructures routières pour le désenclavement intérieur et extérieur du pays. Un effort inlassable de 1991 à nos jours. A tel point qu’un ex compagnon du président Alpha Oumar Konaré (1992-2002), feu Mamadou Lamine Traoré avait qualifié en 1997, le bilan du premier mandat de l’Adema, de « globalement goudronné ».

Si la route du développement doit passer par le développement des routes, le Mali doit être sur la bonne voie. Mais si comme Lénine, nous devons concevoir qu’il n’y a pas de développement sans électricité, alors ATT, présent en 1991 et présent aujourd’hui, a beaucoup à faire, même si tel n’est pas pour vouloir se maintenir à la faveur d’un virement constitutionnel.


Malgré l’existence d’ambitieux
projets pour l’électrification rurale, les réalisations ne sont pas à la hauteur des fonds engloutis. Sous la troisième République, les détournements de deniers publics (toutes choses qui justifient le Bureau du Vérificateur Général, qui du reste, vient d’être entendu par la justice sur la gestion de certains fonds), la corruption et la mauvaise gestion ont révélé une notoriété de vie dure. Au point que les acteurs de la Révolution de 1991 ont été impuissants pour les extirper de la vie publique, de la gestion du pays.

Dans l’impasse du fait de l’immobilisme qui caractérise l’action du gouvernement dans certains dossiers de la Nation, comme l’Éducation, les élections, l’activité agricole, les opérations économiques, l’Etat malien a souvent donné l’impression d’être un grand bateau ivre sans destination fixe, piloté à vue et qui du reste prend de l’eau de toute part. Bien sûr, nous sommes un peuple qui a la même foi et le même but d’arriver à bon port, mais faut-il qu’il soit donné à chacun la possibilité de pagayer dans la même direction.

Il n’est pas rare d’entendre certains responsables dire que dans notre pays, la répression du mérite et la récompense de la médiocrité sont érigées en règles. Or c’est une évidence que ce sont les révolutionnaires du 26 mars 1991 qui sont restés au pouvoir depuis, jusqu’à ce 27 mars 2009. Après la transition présidé par ATT, Alpha Oumar Konaré a rempli son contrat constitutionnel de dix ans, puis ATT revenu au pouvoir gère les affaires. Sans aucun renversement du pouvoir (qu’à Dieu ne plaise), les successions se sont faites par voies d’élections.

Où se trouve donc le blocage?

Pourquoi jusqu’à ce jours les objectifs d’une école démocratique ne sont pas atteints ? Les élèves, les étudiants et les enseignants de tous les niveaux de l’enseignement se passent le relais du débrayage comme si le pays s’était engagé dans une course de relais à l’envers. Nous avons des gouvernants incapables de redresser le pays, de garantir à la Nation malienne un avenir radieux en assurant à nos enfants qui ne demandent qu’à étudier dans la quiétude. L’école est obligatoire, s’il vous plait.


Ils veulent assurer la sécurité
alimentaire aux populations en mettant au travail les masses laborieuses. Après avoir investi des dizaines de milliards, notre pays, jadis grenier de la sous région, en est réduit à tendre la main à divers dons liant davantage le contribuable et l’avenir. Des producteurs agricoles, le plus grand nombre, et des consommateurs spoliés, sacrifiés sur le plateau des exonérations qui ne profitent qu’à quelques opérateurs économiques et leurs complices à col blancs, des sangsues tapies à l’ombre des bureaux climatisés de la République.


Pendant ce temps
le trésor reste désespérément vide, présentant une situation de dette intérieur d’environ 200 milliards. Le pays a frôlé une situation de cessation de paiement.

Pendant ce temps la situation sécuritaire du pays en est à la dérive totale. La population des malfrats ne fait que croître et défier l’efficacité des agents de sécurité. Nous sommes dans quel Etat, si les personnes et les biens ne sont pas en sécurité ? Quand le vol devient un acte banal qui s’opère en plein midi.

A-t-on besoin d’un pays où chacun dispose de son permis de port d’arme, parce qu’il faut l’avoir à portée de la main ?Comment évaluer la liberté d’aller et venir dans les voies urbaines et inter urbaines lorsque les permis de conduire sont vendus à certains qui s’en servent pour tuer et récidiver et encore (en mémoire notre confrère Oumar Bouaré paix à son âme). Le port de casque, les permis motos, boucs émissaires.

Le blocage se trouve-t-il au niveau des élections qui sont truquées et volées par tous les candidats qui s’installent à demeure dans la fraude. Et dans ces conditions nous n’avons jamais les gouvernants qu’il faut pour représenter le peuple et pour exécuter les affaires publiques, encore moins pour rendre la justice.

Le pouvoir demeurera corrompu et chaque acteur à quelque niveau de décision n’y prêche que pour sa chapelle. Au Mali du 26 mars 2009, le citoyen qui n’a pas bénéficié des logements sociaux parce que des “déjà multipropriétaires” en ont eu encore; qui achète le riz exonéré à plus de 300 Fcfa le Kg; et dont l’enfant ne va pas à l’école, a-t-il l’impression d’avoir des représentants à l’Assemblée nationale, d’avoir un gouvernement qui est là pour la Nation ?


Sa seule chance
d’échapper à la perpétuité est de ne pas être traduit devant la justice par un voleur de deniers publics. C’est le Mali du 26 mars 2009. Il faut que ça change ! Ça va changer !


Boukary Daou

27 Mars 2009