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Objectif : proclamer la République du Mali. Pour cause. Le 21 août 1960, les dirigeants soudanais à Dakar, capitale de la Fédération, furent séquestrés avant d’être expulsés manu militari vers leur pays d’origine.

Ce jour, le président du gouvernement fédéral, Modibo Kéïta, et son épouse, ainsi que les ministres soudanais sont placés à bord de voitures escortées par des éléments de la gendarmerie sénégalaise.

Le cortège se dirige à vive allure vers la gare ferroviaire centrale de Dakar. Le Président Modibo Kéïta et les ministres seront rejoints à la gare par des députés fédéraux et des hauts fonctionnaires soudanais de la nouvelle administration fédérale, ainsi que leurs familles.

Tout le groupe contraint de quitter le territoire Sénégalais sans délai, embarque dans un autorail spécial à destination de Bamako. L’événement est vécu par les Soudanais comme une humiliation.

A Bamako, la gare ferroviaire est noire de monde dans la nuit du 22 au 23 août 1960. Les Bamakois ont bravé les intempéries (fine pluie persistante et heure tardive) pour accueillir leurs leaders expulsés du pays de Léopold Sédar Senghor.

Le rêve de l’accomplissement de l’unité africaine, venait d’être brisé. L’amertume de cette unité reportée devait se conjuguer avec la joie et l’espoir d’un Mali libre et indépendant.

Selon un témoignage recueilli par le quotidien national l’Essor dans son spécial 22 septembre 2005, un membre du Bureau politique de l’Ur-Rda dans le temps, déclare : «les Soudanais ressentent très mal l’humiliation faite à leurs dirigeants. Dans la foule, beaucoup sont armés de bâtons et miment la marche militaire. Ils réclament des armes pour aller laver l’affront. Les Sénégalais s’attendent d’ailleurs à une invasion malienne. C’est pourquoi, ils ont massé des troupes à la frontière pour parer à toute éventualité. Les responsables politiques parviennent à calmer les ardeurs de la foule. Chacun des leaders est accompagné jusqu’à son domicile par des militants à la fois enthousiastes et remontés contre les Sénégalais».

Devant une foule délirante venue l’accueillir à la gare de Bamako, le Président Modibo Kéïta expliquait les raisons de l’éclatement de l’éphémère Fédération du Mali qui avait accédé à l’indépendance le 4 avril 1960 : «notre position sur le problème algérien, notre détermination à construire un véritable socialisme, notre volonté de réaliser, avant toute autre association, une véritable communauté africaine, ont déterminé certains responsables français à conduire les dirigeants Sénégalais à la sécession».

Mamadou Dia, un leader Sénégalais de l’époque n’avait-il pas évoqué les graves dangers de «soudanisation» de son pays et les intentions malveillantes de «ceux venus de Bamako».

A partir du 23 août, commence la préparation d’un congrès extraordinaire de l’Us-Rda qui s’est tenu le 22 septembre 1960 à Bamako. A cette tribune Modibo Kéïta a invité le congrès «à autoriser l’Assemblée législative à appréhender les compétences transférées par la République soudanaise à la Fédération, à proclamer comme Etat indépendant et souverain la République soudanaise, à proclamer que la République Soudanaise s’appelle République du Mali, libre de tous engagements et liens politiques avec la France...».

Parmi les intervenants à ce congrès, des figures qui ont laissé leurs noms dans l’histoire politique du Mali dont le Secrétaire politique de l’Us-Rda Idrissa Diarra, la responsable aux questions féminines du parti, Awa Kéïta, le secrétaire général de la jeunesse du parti, Gabou Diawara, le président de l’association des anciens combattants et victimes de guerre, Daouda Traoré, le Secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs du Soudan, Mamadou F. Sissoko, le secrétaire général du Mouvement soudanais de la paix, Sané Moussa Diallo.

Le congrès extraordinaire «approuve la proclamation de la République du Mali, Etat indépendant, indivisible et souverain».

Le parti est appelé à maintenir son option fondamentale en faveur de l’unité africaine et accélérer la création d’une armée malienne en rappelant tous les nationaux en service dans les troupes étrangères, notamment en Algérie et au Cameroun.

A la fin des travaux du congrès (qui s’est déroulé au lycée technique), la foule accompagne les dirigeants du parti qui se rendent à l’Assemblée législative pour la proclamation officielle de l’indépendance de la République du Mali.

Tout le monde, y compris les leaders, effectue le trajet à pied. Sous la présidence de Mahamane Alassane Haïdara, l’Assemblée législative proclame l’indépendance du Mali.

Pour reprendre les compétences dévolues à la Fédération du Mali par la République soudanaise, a été proclamée l’indépendance de la République du Mali, laïque, socialiste et démocratique, libre de tous liens avec la France.

Boukary Daou

21 septembre 2005.