En effet, lors de la 10è édition du traditionnel Espace d’Interpellation Démocratique qui s’est tenue le samedi dernier au centre International de conférence de Bamako, ces acteurs incontournables dans l’organisation de l’EID ont tenu à manifester leurs inquiétudes par rapport à certaines dérives imputables à l’actuel Ministre de la justice.
Contrairement à toutes les précédentes éditions, la présidente du Jury d’Honneur de cette 10è édition, Catherine Choquet, une habituée de l’EID a tenu d’entrée de jeu à faire une déclaration préliminaire.
Elle dira sans détours au Premier Ministre, Ousmane Issoufi Maïga, au président de l’Assemblée Nationale, Ibrahim Boubacar Keïta, aux membres du gouvernement présents : « contrairement aux années précédentes, le Jury d’Honneur n’a pas eu accès à tous les dossiers. Seuls deux membres venus de l’extérieur ont pu y avoir accès« .
Selon elle « des difficultés ont existé tout au long du parcours d’organisation de cette 10è édition« . Elle fera savoir en outre : « les associations de défense des droits de l’Homme ont toujours accompagné les préparatifs de l’EID. Le traitement qui leur a été réservé ces jours derniers est injustifié... »
Pour le président de la Commission de dépouillement, Issiaka Fofana, aucune des 62 interpellations transmises à sa Commission n’est parvenue sous pli fermé.
Mieux, dira-t-il, deux interpellations ne sont jamais parvenues. Quant à Maître Brahima Koné qui lisait la contribution de l’Association Malienne des Droits de l’Homme, il fera part de l’inquiétude de son association face au devenir même de l’Espace d’Interpellation Démocratique.
Selon lui, l’immixtion de Me Fanta Sylla, Ministre de la Justice, dans le dépouillement des plis en violation du règlement Intérieur de l’EID applicable à l’édition 2005 risque de faire de l’EID une coquille vide.
Aujourd’hui, révéla-t-il, l’EID fait l’objet de vives critiques et suscite peu d’intérêt de la part des citoyens.
Pour Mamadou Lamine Keïta qui interpellait au nom de la Coordination des Greffiers titulaires de maîtrise en droit, il révélera : « Quelques jours après le dépôt de notre dossier, nous avons été interpellés par le cabinet du Ministre de la justice afin de trouver un terrain d’entente. Notre dossier fut ainsi bloqué au niveau du cabinet. C’est à cause d’un autre dossier que nous avons déposé auprès de la Commission Nationale de dépouillement des interpellations qui nous a permis d’être devant vous ce matin« .
En plus de ces quatre récriminations contre Me Fanta Sylla, le Barreau aussi était dans tous ses états. L’ordonnance de désignation de Me Moussa Maïga comme représentant du Barreau au Jury d’Honneur prise par le Bâtonnier Me Seydou Ibrahim Maïga et transmise en bonne due forme au cabinet de Me Fanta Sylla n’a jamais eu d’échos favorables.
La surprise a été d’autant plus désagréable que c’est la première fois que le Barreau ne figurait pas parmi les membres du Jury d’Honneur. Et Me Fanta Sylla n’a pas eu l’élégance et la courtoisie d’informer le Bâtonnier de sa décision.
Autant de faits donc qui agacent plus d’une association et organisation de défense des droits humains sur le terrain. Selon certaines d’entre elles, c’est une forme de censure sur les interpellations qui est désormais en marche.
Pour d’autres, c’est pour mieux faire main basse sur les fonds de l’EID que le cabinet du Ministère de la justice a décidé cette année de les écarter.
Ces accusations portées contre Madame le Ministre de la Justice ont résonné dans la salle des 1000 places comme une interpellation à l’adresse du Gouvernement d’Ousmane Issoufi Maïga qui est désormais mis face à ses responsabilités.
Birama Fall
12 décembre 2005.